Examiner la situation des droits de l’homme dans l’espace postsoviétique est particulièrement d’actualité, notamment au regard des résultats du sommet de Vilnius de l’Union européenne sur le Partenariat oriental et des manifestations pro-européennes dont il fut suivi en Ukraine. André Härtel (DPP), qui a animé la rencontre et présenté le sujet, souligne la complexité de la question du fait de la diversité de la région, de la difficulté d’obtenir des informations fiables de sources souvent peu objectives et de la conception autocentrée de l’espace postsoviétique qui est celle de l’Europe occidentale. Peut-on vraiment parler d’un « recul » des droits de l’homme et de la démocratie compte tenu de la priorité à conférer dans la région à la mise en place des institutions de l’Etat et à l’économie à tout le moins durant les cent années suivant l’effondrement de l’Union soviétique ? Dans quelle mesure la Russie joue-t-elle un rôle déterminant en sa qualité de plus grand Etat de la région servant souvent d’exemple aux autres ?
C’est ici que ressort l’ambivalence du développement de la démocratie dans la région : alors qu’en Russie les autorités ont adopté une politique plus sévère à l’égard de la société civile, renforçant ainsi la dérive autoritaire du régime, les fréquentes manifestations de masse contre ledit régime depuis 2011 et l’essor de nouvelles forces d’opposition, comme le mouvement de M. Navalny, témoignent d’une évolution contradictoire. En fin de compte, l’importance des courants géopolitiques dans la région a fait des Etats autoritaires comme la Russie et l’Azerbaïdjan des acteurs bien plus sûrs d’eux ces dernières années, malgré les approches politiques souvent naïves et donc largement inefficaces adoptées par le monde occidental dans la région.
L’échange de vues qui s'ensuit porte sur trois points, à savoir, la manière dont les participants évaluent la situation de la démocratie et des droits de l’homme dans la région, celle dont ils évaluent les politiques des institutions européennes à l’égard des Etats postsoviétiques, et les solutions que le réseau des Ecoles d’études politiques pourrait apporter pour contribuer à améliorer la situation.
La situation des droits de l’homme et de la démocratie dans la région est évaluée très diversement : des participants du Bélarus indiquent que la population en a certes assez des mensonges du gouvernement, mais qu’elle manque de connaissance sur la manière de pratiquer la démocratie et ignore dans une large mesure le concept de responsabilité. Des participants de l’Ecole de Moscou placent l’évolution au-dessus de la révolution pour ce qui est de renforcer les normes en matière de droits de l’homme, et estiment que priorité devait être donnée à l’éducation. Un participant de l’Ecole de Moldova se dit même préoccupé par le fait que le concept de démocratie soit parfois mal compris dans la région et assimilé à un système de liberté totalement illimitée pour tout un chacun.
Concernant les politiques des institutions européennes, les participants estiment que la politique de conditionnalité de l’Union européenne n’a produit de résultats que dans des domaines peu politisés, alors qu’il n’a pas été déployé d’efforts de réforme tangibles dans des domaines sensibles concernant les élites. En outre, les institutions européennes sont critiquées pour leur manque de coopération dans l’observation des élections, lequel s’est soldé par de déplorables rapports aux messages contradictoires après les dernières élections présidentielles en Azerbaïdjan. De nombreux participants demandent l’application de sanctions individuelles plus fermes à l’encontre des auteurs de violations des droits de l’homme dans les régimes en place, notamment au Bélarus et en Azerbaïdjan. Toutes les sources européennes, y compris le nouveau Fonds européen pour la démocratie (EED), doivent être utilisées pour améliorer la situation des droits de l’homme dans la région.
Enfin, les participants conviennent que le réseau des Ecoles d’études politiques est une enceinte de discussion très importante, permettant aux futurs responsables politiques et acteurs de la société civile de se familiariser aux pratiques et valeurs démocratiques et d’échanger leurs points de vue sans s’exposer aux pressions et aux mesures de répression des élites au pouvoir. Soucieux d’avoir plus d’impact sur l’Union européenne, ils se félicitent du projet d’étendre le réseau des Ecoles vers l’Europe centrale et occidentale et de mener à l’avenir des activités communes.