Association des Écoles d’Études Politiques du Conseil de l’Europe

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Défis sécuritaires : Quelle réponse ?

Par Saša Magazinović

Saša Magazinović est diplômé de la promotion 2010 de l’Ecole d’études politiques de Bosnie-Herzégovine (B&H). Il est membre du Parlement de B&H et Chef du Parti Social-Démocrate (SPD) du groupe parlementaire bosniaque. Saša est également à la tête du Service de coopération internationale de Bosnie-Herzégovine du SPD. Depuis 2011§ il est représentant adjoint du SPD pour la B&H auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.


Je suis né à Sarajevo, à l‘époque ville de Yougoslavie – certains diront pays non-démocratique doté d’un parti politique unique – mais ce pays était économiquement et socialement stable et la population dans sa majorité était satisfaite. Mes enfants sont également nés à Sarajevo, cette fois capitale de la Bosnie-Herzégovine, un pays démocratique offrant des libertés civiles intangibles, mais peu de sécurité en termes d’emplois, de santé et de perspectives d’avenir.

La Bosnie-Herzégovine a développé la démocratie, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir et il est clair que le pays a besoin non seulement de développer sa démocratie, mais également son économie et l’Etat de droit.

Quel que soit le degré de force ou de faiblesse économique ou démocratique qu’on leur prête en comparaison avec les champions européens de la démocratie, la Bosnie-Herzégovine et en fait tous les pays des Balkans sont confrontés aux mêmes défis mondiaux que tous les pays européens.

Des citoyens de Bosnie-Herzégovine se rendent en Syrie ou en Ukraine pour participer à une guerre ; le même phénomène se produit au Royaume-Uni, en Allemagne, en Autriche, etc. L’Assemblée parlementaire de la Bosnie-Herzégovine a adopté une loi qui interdit ces actions et qui rend passibles d’emprisonnement ceux qui s’engagent sur des champs de bataille étrangers et dans des formations militaires étrangères.

L’exercice de la démocratie s’avère toutefois bien plus difficile pour les citoyens de Bosnie-Herzégovine aujourd’hui que pour ceux des pays de l’Europe occidentale. Le contrôle des procédures, l’adoption des lois, les coutumes, la mentalité, l’histoire et le niveau de mise en œuvre de la volonté politique du peuple n’est pas comparable dans mon pays à celui des pays de l’Europe occidentale. Dans les Balkans occidentaux il est bien plus difficile de régler des problèmes sans que ce soit au détriment des normes démocratiques, que nous peinons encore à mettre en œuvre pleinement, en dépit de nos meilleures intentions. Nous essayons de construire une démocratie au niveau de nos modèles, dont l’aide et la solidarité nous sont nécessaires, mais cette aide n’arrive pas souvent de la manière dont nous la souhaitons.

La sécurité est essentielle pour les citoyens de Bosnie-Herzégovine ; nombreux sont ceux qui diraient qu’elle est plus importante que les droits de l’homme et la démocratie. Nous sommes un pays qui encore récemment était en guerre et quand on est en guerre, seule une chose compte : rester vivant. Malheureusement, les sentiments de traumatisme restent. Malgré la volonté générale d’échanger un peu de démocratie et de droits de l’homme contre un peu de sécurité parmi le public, au niveau institutionnel, cette volonté n’a jamais été concrétisée.

Les autorités de Bosnie–Herzégovine tentent de suivre des exemples positifs de pays démocratiquement développés au sein de l’Union européenne dans l’espoir d’en faire partie un jour. Mais l’Europe moderne, en dépit de tentatives de présenter une image différente, est en fait une Europe des différences et des divisions : de grands et puissants pays d’un côté, de petits et faibles Etats de l’autre. Les pays démocratiquement développés se situent d’un côté, et ceux qui ont encore besoin de développer leur démocratie sont situés de l’autre côté.

Puis un problème mondial se produit, comme celui que nous avons aujourd’hui avec le terrorisme et où de grands et puissants pays développés économiquement ont été les premiers à dire que nous devrions combattre le terrorisme mondial ensemble. Bien sûr, nous devrions rester unis dans la lutte contre le terrorisme, mais nous, les petits pays, nous demandons souvent pourquoi nous sommes égaux seulement en cas de défi mondial ou de problème. Et quand le problème est réglé, chacun reprend sa place dans la hiérarchie mondiale. Nous continuons à être des sociétés en développement vers la démocratie et les grands pays continuent à se préoccuper exclusivement de leurs propres intérêts économiques et autres.

L’Europe, qui est la première à soutenir l’idée de soutenir les droits de l’homme et les valeurs de la civilisation, ne doit pas permettre que son interprétation actuelle des droits de l’homme en Europe nuise à la liberté et à la sécurité des citoyens. La liberté est un concept relatif et nos libertés sont liées aux libertés des autres. Quand la liberté est violée du fait de la liberté d’un autre, alors l’Etat concerné se doit d’aider à réguler la question sensible et à limiter en toute conscience ce que certains considèrent comme leur liberté.

Soit nous restons toujours ensemble, soit nous ne le sommes jamais. Il faut en décider urgemment et alors nous pourrons parler de la démocratie, des lois, des valeurs communes et de l’Europe. A mon avis, nous ne pourrons survivre que si nous nous tenons unis, grands et petits, forts et faibles, tant ceux qui sont démocratiquement avancés que ceux qui aspirent à le devenir; tant ceux qui sont nés sous le règne du socialisme que nos enfants qui sont nés dans la démocratie.
 

Avril 2015.

 
 
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