Interviews avec des anciens : avril 2019 Meerim Osmonalieva

Impressions et réflexions des anciens élèves du SPS sur leurs expériences avec les écoles d'études politiques

Meerim Osmonalieva (Kirghizistan)


1) Parlez-nous de vos intérêts professionnels/académiques, de votre éducation, de vos expériences professionnelles.MO picture 002

Je m’appelle Meerim Osmonalieva et je suis membre de Académie de l’éducation citoyenne
 du Kirghizistan. Depuis 2017, je suis directrice de la fondation «Oasis Kyrgyzstan », qui soutient les groupes de personnes vulnérables et marginalisées tels que les enfants sans protection parentale, les jeunes sortant de foyers d’accueil (diplômés d’orphelinats et d’internats), les personnes victimes de violence et de traite des êtres humains, les enfants des rues et les mères célibataires qui traversent une périodes difficiles.
Depuis deux ans, mon équipe et moi-même menons des actions de lobbying pour l’amendement de la loi sur le soutien postscolaire aux diplômés des établissements scolaires résidentiels au Kirghizistan (orphelinats, internats). Nous travaillons également avec le ministère de l’Éducation pour développer le premier programme d’adaptation sociale et d’intégration des enfants vulnérables, ainsi que des jeunes dans la société par l’éducation formelle et informelle.
Bien que notre gouvernement n’accorde que peu d’attention aux groupes les plus vulnérables de la société, il est très important que les militants de la société civile promeuvent l’inclusion, les droits humains et la justice sociale. Ces actions sont nécessaires pour aspirer à une société saine et démocratique, car les communautés marginalisées et exclues peuvent, à terme, devenir une menace ou un risque si nous les ignorons. C’est pourquoi j’ai tenu plusieurs conférences auprès de participants et d’experts de l’Académie d’éducation civique dont le travail porte principalement sur la justice sociale et la responsabilité sociale.

2) De quel établissement avez-vous suivi le cycle de formation et obtenu votre diplôme ?

J’ai obtenu mon diplôme de l’Académie de l’éducation citoyenne en 2016. C’était un programme composé de quatre sessions dans différentes régions du Kirghizistan. Certains des participants actifs ont également eu l’occasion d’aller au Forum mondial de la démocratie à Strasbourg. L’Académie d’éducation civique est l’une des rares plateformes qui offrent une éducation non formelle en Asie centrale et au Kirghizistan, et qui participent au développement d’une communauté de leaders influents sur de nombreux domaines et processus pouvant mener à des réformes. Nous coopérons régulièrement les uns avec les autres et nous nous entraidons dans la mise en œuvre de nos projets respectifs.

3) Quelle a été votre expérience la plus mémorable durant le cycle de formation ?

J’en compte deux. La première a eu lieu lors de la troisième session, organisée dans une région reculée et complexe non seulement pour le Kirghizistan, mais également pour toute l’Asie centrale : la région de Batken. Cette région comprend six enclaves appartenant aux États voisins (Ouzbékistan, Tadjikistan) et dont les trois quarts des territoires sont considérés comme des territoires internationaux. Les frontières entre les trois États se chevauchent, créant de nombreux conflits entre les résidents et les représentants des différents groupes ethniques. Ainsi, cette région est toujours en état d’alerte militaire. Nous avons visité plusieurs enclaves et rencontré des membres des forces armées locales, des chefs de différentes communautés ethniques et les représentants de différentes autorités publiques. La majeure partie des membres de l’Académie n’était alors jamais allée dans la région de Batken et ne savaient pas à quel point la paix et la stabilité de cette région étaient fragilisées.
Le second moment mémorable, fut lorsque j’étais activement engagée dans la rédaction du Manifeste « Bashtan Basta ! », à travers lequel les activistes civiques et membres de notre académie se livraient à un point de vue libre et indépendant sur le développement du Kirghizistan. L’essentiel de ma contribution consistait à appeler la société civile à participer activement au processus de prise de décision et aux questions de gouvernance à travers le dialogue social. Ce document a été remis à plus de 200 hommes politiques, activistes, experts et journalistes afin d’encourager la société à lire attentivement les programmes et les documents stratégiques avant d’aller voter.

4) Quelles étaient vos impressions sur le Forum mondial de la démocratie ?

Étant donné que je suis intéressée par une éducation civique non formelle et que je travaille avec des jeunes vulnérables et marginalisés, des enfants diplômés d’orphelinats, victimes de la traite des êtres humains et de la violence, c’était très excitant pour moi de participer au Forum mondial de la démocratie qui, en 2016, était dédié au rôle de l’éducation dans la promotion de la démocratie. J’ai participé à plusieurs tables rondes sur le thème de la reconnaissance, de la validation et de l’évaluation de l’éducation non formelle, au cours desquelles des experts et des dirigeants de divers mouvements civiques de différents pays ont partagé leurs expériences en matière de développement des communautés civiques, d’organisation de manifestations légitimes pour la défense des droits de l’homme et leurs méthodes d’évaluation du développement et de la reconnaissance de l’éducation non formelle. C’était intéressant de voir dans combien de pays il est encore difficile d’évaluer et de reconnaître les résultats de l’éducation non formelle.
Nous avons également assisté au débat des politiciens français qui ont discuté des problèmes du populisme. Nous avons aussi pris part à la discussion avec les dirigeants des écoles d’études politiques. C’est cela qui m’a permis de mieux connaître le travail des autres écoles.

5) Vous avez également participé à la table ronde citoyenne à Thessalonique sur le thème « La crise du multilatéralisme ». Quelles ont été vos impressions sur l’événement ?

Dans le cadre de mon activité professionnelle, je coopère régulièrement avec les organisations internationales présentes au Kirghizistan. Nombre d’entre elles concentrent leurs programmes de développement sur des pays en développement comme le Kirghizistan et le moindre changement sur la scène internationale a un impact immédiat sur la politique d’aide et les programmes de mon pays. Je vois des changements positifs et négatifs dans les politiques instaurées par des organisations telles que la Commission européenne, l’UNICEF, l’UNDP et d’autres, mais il est très difficile de remonter aux raisons précises pour lesquelles ces changements se produisent. C’est pourquoi la participation à la table ronde citoyenne a été très informative et m’a aidé à mieux comprendre les tendances internationales et les problèmes auxquels sont confrontées les organisations multilatérales internationales.
Une meilleure compréhension des dynamiques au sein des organisations internationales et des politiques d’aide au développement est importante pour le travail de mon organisation. Nous pouvons adapter le comportement et développer de nouvelles méthodes de travail pour la coopération avec les organisations multilatérales.

6) Si vous pouviez penser à un thème pour le cycle de formation, lequel choisiriez-vous ?

Méthodes de contrôle et d’évaluation de la mise en œuvre des programmes politiques dans divers domaines des institutions de l’État et des partis politiques. Comment assurer la transparence lors du processus de décision politique ?

7) Que faites-vous aujourd’hui ?

Après neuf ans d’expérience professionnelle, j’ai décidé de poursuivre mes études et d’obtenir un master en politique sociale et politique publique au Royaume-Uni. J’ai déjà reçu des offres de plusieurs universités, je suis donc en train de réfléchir à ma décision. En tant que cofondatrice de la Chess Academy, seul centre de formation affilié à la Fédération mondiale des échecs FIDE en Asie centrale, je continue de soutenir les joueurs d’échecs professionnels et d’investir dans le développement de la jeune génération.